ADN environnemental : des lieux de crimes à la conservation

Parc national Pukaskwa

par Patrick Gilhooly


Depuis maintenant plus de 30 ans, les experts médico-légaux perfectionnent la technique d’empreinte génétique utilisée dans les enquêtes sur les lieux de crimes partout dans le monde. Les scientifiques responsables de la conservation de la faune ont récemment décidé de mettre en œuvre cet outil révolutionnaire dans l’univers naturel afin d’obtenir l’ADN environnemental.

L’ADN environnemental est en train de devenir un nouvel outil puissant et rentable, capable de nous aider à répondre à certaines questions urgentes en matière de conservation. Ainsi, il peut servir à déterminer la présence ou l’absence d’espèces en péril ou d’espèces envahissantes dans des écosystèmes aquatiques et terrestres.

Les animaux sauvages laissent des traces d’ADN (présent dans la salive, les cellules de la peau, les excréments ou d’autres sécrétions) dans leur environnement. Les chercheurs peuvent ensuite prélever de façon non invasive de l’ADN environnemental de l’eau, du sol, de la glace et même de l’air et ainsi déceler ou non la présence d’une ou de plusieurs espèces.

Les méthodes d’enquête et d’évaluation plus traditionnelles, comme le piégeage physique, sont plus invasives, prennent plus de temps et sont généralement plus coûteuses. Il suffit de combiner l’ADN environnemental avec ces méthodes d’enquête conventionnelles pour améliorer l’efficacité et l’efficience d’une étude. Les chercheurs peuvent d’abord, par exemple, déterminer l’emplacement géographique de l’espèce visée par un échantillonnage d’ADN environnemental avant d’utiliser des relevés de population classiques dans les régions où cette population a été détectée pour en déterminer le nombre.

Dans un écosystème aquatique par exemple, les chercheurs utilisent une seringue munie d’un filtre spécial qui retient uniquement le matériel génétique présent dans l’eau pour prélever les échantillons d’ADN environnemental dans une rivière ou un lac. Ils doivent ensuite retirer le filtre et le déposer dans un contenant stérile, puis congelé ou immergé dans un agent de conservation chimique, puisque l’ADN se dégrade rapidement lorsqu’il est exposé au soleil ou à la chaleur. Les échantillons prélevés sont ensuite envoyés en laboratoire pour analyse. Les traces d’ADN environnemental seront ensuite extraites du filtre en laboratoire. Les chercheurs utilisent ensuite un processus appelé réaction en chaîne de la polymérase (PCR) pour amplifier l’ADN de l’espèce voulue. Il la combine ensuite à une amorce génétique spécifique à l’espèce (p. ex., ARN ribosomique) pour obtenir des millions de copies de l’ADN de l’espèce cible, ce qui permet d’identifier ou non sa présence dans le matériel génétique d’autres espèces non ciblées.

Le potentiel de l’ADN environnemental dans les efforts de conservation de la faune est énorme alors que nous cherchons désormais à maintenir l’intégrité écologique de notre monde naturel pour les générations à venir.

En tant que chef de file mondial en matière de conservation, Parcs Canada a mis en œuvre des projets d’ADN environnemental partout au Canada afin de surveiller tant les espèces en péril que les espèces envahissantes. Un exemple en est le parc national du Canada du Mont-Riding au Manitoba qui a détecté la présence de la moule zébrée (Dreissena polymorpha), une espèce aquatique envahissante, en utilisant l’ADN environnemental. Le parc national du Canada Kejimkujik, en Nouvelle-Écosse, suit, quant à lui, la propagation du brochet maillé envahissant (Esox niger) à l’aide d’un échantillonnage d’ADN environnemental.

Cet automne, au parc national Pukaskwa, des échantillons d’ADN environnemental ont été prélevés à plusieurs endroits afin de déterminer la présence de la tortue serpentine, une espèce menacée au Canada et en Ontario. Les résultats de laboratoire devraient être présentés plus tard cet hiver.

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