Sous l'emprise de la place forte

Lieu historique national des Fortifications-de-Québec

Sous l'emprise de la place forte

Marc Lafrance, historien
Parcs Canada

Érigées sur un site exceptionnel coiffant une falaise et dominant le fleuve Saint-Laurent, les fortifications de Québec encerclent la Haute-Ville sur une distance de 4,6 kilomètres et offrent un parcours privilégié. Ce caractère pittoresque des fortifications, ce pourtour qui présente de superbes coups d'oeil en ont fait un attrait touristique dans le passé et un facteur déterminant en faveur de leur conservation. Mais les fortifications de Québec témoignent aussi éloquemment de l'histoire militaire et urbaine de Québec

On y retrouve, comme nulle part ailleurs en Amérique du Nord, un ensemble défensif urbain classique caractérisé par la géométrie du flanquement, la défense en profondeur et l'adaptation à la topographie et à l'ensemble urbain. Au-delà de l'art militaire, les fortifications de Québec témoignent aussi du phénomène de la place forte entre le XVIIe et le XIXe siècle. Au cœur de cet ensemble, la Citadelle a tout pour servir d'ultime recours à la garnison britannique. Sa conception même permet d'avancer l'hypothèse que ses constructeurs, en une époque troublée, songeaient autant à se défendre contre une éventuelle révolte des Québécois que contre une attaque américaine.

Vue aérienne des fortifications Vue aérienne de la ville de Québec et de ses fortifications

Partout dans le Québec intra-muros, on ressent cette présence militaire qui domine la ville. Les places d'armes, les esplanades, les artères militaires, les secteurs de casernement, d'entreposage de munitions et tout l'attirail d'artillerie des XVIIIe et XIXe siècles sont autant de vestiges qui rappellent un passé urbain rythmé par le tambour.

Dès la fondation de Québec, des ouvrages militaires s'avèrent un complément indispensable à l'établissement des Français. Sur le plan technique, les fortifications du comptoir ne constituent que des ouvrages rudimentaires, construits rapidement pour répondre aux besoins essentiels. Ces fortifications révèlent, néanmoins, des éléments de l'art militaire européen alors en transition. L'Habitation, érigée par Champlain en 1608, rappelle les châteaux médiévaux en ce que la structure est à la fois un logement, un magasin pour les vivres et un réduit pour la défense avec ses murs verticaux élevés. On y retrouve cependant des éléments nouveaux tels qu'adaptés aux châteaux forts au milieu du XVe siècle pour permettre le tir d'artillerie. Ce que Champlain nomme des « pointes d'éperons », situées au-devant du fossé et du mur vertical, ressemblent aux boulevards du XVe siècle aménagés devant les murailles des châteaux forts.

Entre 1620 et 1665, Québec connaît toute une succession d'ouvrages militaires qui prennent la relève de l'Habitation. Ces fortifications, le fort Saint-Louis sur la crête de la Montagne érigé en 1620, la deuxième Habitation de Champlain flanquée de tourelles (1623), quelques batteries et des réduits intégrés aux principaux édifices de la ville comme les monastères et les églises, constituent toujours des ouvrages rudimentaires et des expédients et témoignent de la précarité du comptoir et de la ville naissante qui ne compte qu'environ 600 habitants en 1665, à l'apogée des guerres iroquoises.

plan de la ville de Québec en 1709 Plan de la ville de Québec en 1709
© Archives nationales du Canada

Québec demeurera, en effet, ville ouverte jusqu'en 1690 : suite à la chute du Port-Royal en Acadie, on érige alors, à la hâte, une enceinte composée de onze redoutes ou tours reliées par des palissades en vue de protéger la ville d'un coup de main mené à partir des hauteurs d'Abraham, endroit où l'accès à la ville est le plus facile. Voilà la première d'une série d'enceintes qui seront érigées à Québec entre 1690 et 1745 pour fermer la ville.

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