Histoire : Carillon, maillon d'un réseau

​Lieu historique national du Canal-de-Carillon

Portes de l'écluse numéro 1 du canal de Carillon. Trois éclusiers et un treuil.
Écluse no 1 de Carillon, vers 1904. Collection Raymond Roy

La rivière des Outaouais constitue un des principaux affluents du Saint-Laurent. Elle prend sa source au nord d'Ottawa dans une immense étendue d'eau, le lac Capimitchigama. Son cours supérieur est relié au lac Huron par la rivière Matawan, le lac Nipissingue et la rivière des Français. Toutefois, la partie de la rivière des Outaouais située entre Montréal et Ottawa est agitée par de nombreux rapides dont les plus importants portent le nom du Long Sault.

Le rachat de ces rapides par le biais des écluses n'ayant fait son apparition qu'au début du XIXe siècle, une première étape visant à contourner ces obstacles apparut dès les années 1600; elle consistait en trois portages situés sur la rive nord de la rivière.

Aquarelle sur papier velin. Groupe de Voyageurs portageant un canot et des ballots.
Un portage. Source : C. Krieghoff / Archives nationales du Canada / C-013456, vers 1856

Ainsi, tout voyageur désirant atteindre les Grands Lacs ou seulement les "pays d'en haut" devait faire face à ces obstacles naturels. Les impératifs commerciaux mais surtout militaires ne tarderont pas à imposer un moyen plus efficace de contourner rapidement ces obstacles à la navigation.

Les premiers canaux consistaient en de simples tranchées formées par le déplacement de grosses roches arrondies, particulièrement nombreuses sur la rive nord de la rivière des Outaouais.

Ces canaux primitifs, qu'on appelait aussi des chaînes de roches, étaient de dimensions modestes et ne comportaient même pas d'écluses. À ces installations s'ajoutait le canal de Pointe-Fortune, situé en face de Carillon sur la rive sud de la rivière. Construit en 1818, celui-ci comptait cependant une seule écluse. Toutefois, la nécessité d'exploiter les ressources forestières jumelée aux impératifs de communication entre les provinces du Haut et du Bas-Canada commanderont la mise en place d'un nouveau système de navigation. En effet, la tentative américaine d'invasion sur le Saint-Laurent lors de la guerre de 1812, obligea le gouvernement à ordonner la construction d'un véritable système de canalisation sur l'Outaouais car les attaques répétées sur l'axe du Saint-Laurent mettaient en relief l'extrême vulnérabilité des communications entre les deux principaux postes militaires du Haut et du Bas-Canada : Kingston et Montréal. Les canaux de l'Outaouais et de Rideau fournissaient donc une route secondaire en cas de guerre avec les Américains.

Ce premier système de canalisation a été construit entre 1819 et 1833 par le Corps royal de Génie de l'armée britannique. Il était constitué du canal de Grenville, du canal de Chute-à-Blondeau et du canal de Carillon. Le tout comportait onze écluses et assurait un tirant d'eau de moins de deux mètres.

Carte des sentiers de portage et du premier système de canalisation de l'Outaouais vers 1834.

Carte des sentiers de portage et du premier système de canalisation de l'Outaouais vers 1834. Source : François Pellerin / vers 1982

 

Bien qu'au départ la canalisation de l'Outaouais ne devait servir qu'à des besoins militaires, l'exploitation forestière constitua bientôt la principale activité économique de cette région. Ainsi dès 1867, des commerçants locaux exigèrent du gouvernement du Canada que des travaux d'amélioration du réseau soient entamés car le premier système s'avérait désuet.

Œuvre, produite à l'encre, de l'entrée du canal du Carillon. À gauche, la maison du percepteur et à droite, la maison du surintendant, deux bâtiments présentant alors une architecture militaire. À l'avant-plan, des canots et quelques embarcations.
L'entrée du canal de Carillon en 1854. Source : Austin William Augustus / Archives nationales du Canada / C-000488, 1854

En 1870, la Commission des Canaux recommanda d'approfondir la rivière des Outaouais entre Lachine et Ottawa. De 1873 à 1882, on construisit donc un deuxième système de canalisation, comportant deux canaux: ceux de Grenville et Carillon. La construction d'un barrage en amont du village de Carillon permettra d'élever le niveau d'eau de l'Outaouais à un point tel que l'écluse de Chute-à-Blondeau deviendra inutile.

Avec le déclin du commerce de bois équarri, l'Outaouais sera utilisé dans le dernier quart du XIXe siècle pour le transport du bois de pulpe, du bois scié et du bois de chauffage. De nombreuses barges chargées de ces produits descendaient l'Outaouais à destination du marché américain via le canal Chambly.

Cependant, la concurrence des chemins de fer comme moyen plus direct et plus rapide de communication et l'essor de la navigation de plaisance vinrent changer la vocation commerciale des canaux de l'Outaouais en vocation touristique.

Une dizaine de travailleurs oeuvrant à l'entretien du barrage de Carillon, sous la supervision de M. Pierre Girard, vers 1910.
Travaux d'entretien du barrage de Carillon, vers 1910. Collection Raymond Roy.

Enfin, de 1959 à 1963, Hydro-Québec érigea un important barrage à Carillon. Une partie du second canal de Carillon fut enfoui lors de la construction de l'écluse actuelle. Celle-ci rachète une dénivellation de près de 20 mètres et accomplit le même travail que les onze écluses du premier système de canalisation.

Aujourd'hui, le canal de Carillon constitue un site patrimonial et récréatif important. Il accueille annuellement environ 11 000 plaisanciers et 12 000 utilisateurs des berges. Aux abords du premier canal de Carillon, on retrouve plusieurs éléments historiques d'intérêt : les vestiges de l'écluse no 1 construite entre 1830 et 1833, le premier canal, les maisons du surintendant et du percepteur, la jetée du second canal construite entre 1873 et 1882 et la caserne de Carillon aussi connue sous le nom de Musée Régional d'Argenteuil.

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