L'histoire au Fort Prince-de-Galles

Lieu historique national Fort Prince-de-Galles

Une fois établie à York Factory, sur la rivière Hayes, la Compagnie de la Baie d'Hudson (CBH) considéra le nord afin d'accroître son emprise et ses profits dans la terre de Rupert. Elle construisit un poste de traite au bord du fleuve Churchill, tout d'abord pour commercer avec les Dénés, les Inuit de la côte nord-ouest de la baie d'Hudson et les Cris vivant au nord du fleuve Nelson. Le fort servait de base pour l'exploration dans le Nord, pour la chasse à la baleine et pour la recherche de métaux précieux.

Des travaux d'archéologie dans la région de Churchill ont confirmé que la présence humaine dans la région remonte à 4000 ans. Des groupes d'Autochtones se sont installés dans la région pour exploiter les ressources animales pendant les grandes migrations des mammifères. Tout au long de l'histoire de la CBH à l'embouchure de la rivière Churchill, les familles dénées et cries des environs, dénommées Homeguards, approvisionnèrent le poste en viande, en poisson et en articles de leur fabrication, principalement des vêtements chauds et des raquettes pour se déplacer l'hiver. Elles ont servi de guides et de messagers, de piégeurs, de ravitailleurs et de consommateurs. Les Premières nations ont joué un rôle clé dans le succès du commerce des fourrures tout au long de sa longue histoire sur la côte ouest de la baie d'Hudson.

Jens Munck, explorateur danois qui a dirigé une expédition fatale à la recherche du passage du Nord-Ouest, fut le premier Européen à hiverner dans la région de Churchill (1612-1620). Mal préparé pour l'hiver, 62 des 64 membres que comptait son équipage périrent des suites du scorbut, de la trichinose et de l'exposition au froid. L'emplacement de son campement d'hiver, à environ huit kilomètres de l'embouchure de la rivière a été choisi par la CBH pour établir un poste de traite en 1689. Ce poste brûla la même année, mais fut reconstruit en 1717. Après une saison de travail au fort Churchill, le gouverneur Knight, décrivant la région, écrivait candidement à Londres " les conditions de vie au fort York sont mauvaises, mais ici, elles sont dix fois pires encore ". À mesure que la construction progressait au cours du printemps et de l'été de 1718, Knight demanda que le gouverneur et le comité à Londres se chargent de baptiser le fort. Ils choisirent de l'appeler Prince-de-Galles, en l'honneur de la famille royale d'Angleterre.

À la fin des années 1720, la paix fragile entre la France et l'Angleterre menaçait de se désintégrer. En 1730, la CBH autorisa la construction d'une fortification en pierre à l'embouchure de la rivière Churchill. On choisit de la construire à Eskimo Point, péninsule rocheuse située au nord et surplombant l'embouchure de la rivière Churchill, pour son emplacement stratégique. L'embouchure de la rivière fait 640 m de large et était considérée parfaitement défendable. La disponibilité de matériaux bruts (quartz et calcaire) pour la construction, et un port naturel en amont de la rivière, appelé anse Sloop, justifiaient également ce choix. On construisit le fort Prince-de-Galles II pour protéger les navires de la Compagnie. Dans l'éventualité d'une guerre, on aurait recours aux équipages des navires pour la défense du fort et des biens de la Compagnie dans la région. On envoya 24 marchands et ouvriers d'Angleterre en 1731 pour commencer la construction. Le 3 juin 1732, on posait la première pierre de la fondation. Le commandant, Richard Norton, prédit que la construction pourrait prendre de six à sept ans avec quatre attelages de boeufs et 84 hommes.

En fait, la construction dura plus de 40 ans. On opta pour une construction en étoile, populaire en Europe, avec quatre bastions en saillie, mais les travaux avançaient lentement en raison de la taille imposante du fort et de l'équipe de construction peu nombreuse. Le temps que les hommes passaient à survivre freinait encore davantage le travail, et enfin, la courte saison de construction n'était pas sans compliquer les choses. En effet, dans cette région reculée de la baie d'Hudson, les équipes devaient chasser pour manger, couper du bois, porter l'eau et bien sûr, continuer à marchander les fourrures. Il fallait préparer ces dernières en vue de leur expédition en Angleterre, tenir les comptes et entreposer les marchandises d'échange pour la saison de traite suivante.

Dans la partie gauche de l’image, l’on peut voir un mur de pierre creusé en quatre endroits pour permettre au canon d’être dirigé vers le plan d’eau et non vers l’observateur. Le mur s’incline ensuite dans la direction de l’observateur, bien que cette section ne permette pas l’utilisation de canons.
Parapet et mur extérieur du Fort-Prince-de-Galles.

Les murs extérieurs du Fort-Prince-de-Galles mesuraient 6,5 m de haut, 11 m d'épaisseur et étaient séparés du mur intérieur par un rempart en terre. Quarante canons étaient montés dans les embrasures le long du parapet, dominant toute approche vers le fort, d'où le nom de " fort flanqué ". L'entrée principale était protégée de toute attaque directe par une structure en pierre appelée ravelin.

Les employés de la Compagnie de la Baie d'Hudson au fort étaient répartis en trois catégories : les officiers, les hommes de métier et les manoeuvres. Les officiers étaient le gouverneur, le chirurgien, le capitaine, le sous-gouverneur et le commis aux écritures. Leur statut se remarquait par les avantages d'un salaire supérieur, une routine et une alimentation quotidiennes variées, davantage de temps libre et un logement privé. Parmi les hommes de métier, on comptait des maçons, des charpentiers, des forgerons, des armuriers, des tonneliers, des tailleurs et autres employés qualifiés. Quant aux manoeuvres, il exécutaient presque toute la journée des travaux qui ne requéraient pas de compétence particulière, tel le chargement et le déchargement des bateaux, la chasse, le transport de l'eau et la coupe du bois.

Un mur de pierre à l’arrière-plan de l’image sert de mur extérieur au fort Prince-de-Galles, tandis que deux murs de pierre plus courts, plus proches de l’observateur, sont des murs intérieurs avec des portes et des fenêtres. Le sol est recouvert de neige.
Le Fort-Prince-de-Galles en hiver.

La coupe du bois occupait presque tout leur temps, car il fallait quatre charrettes de bois par jour en hiver pour chauffer les pièces d'habitation. Comme le signalait l'un des gouverneurs du poste en 1741, les quartiers d'habitation du poste étaient... " très froids, tout gèle à l'intérieur même en entretenant un feu de 5 h le matin à 9 h le soir; lorsque le feu est éteint, on suspend un boulet rouge de vingt-quatre livres (un boulet de canon) aux fenêtres pour les dégeler; à l'extérieur, toutes les fenêtres sont protégées par des volets de 6 pouces d'épaisseur; quatre gros feux sont allumés dans les poêles chaque jour - consommant une charrette entière de bois chacun - et encore, tout gèle dans la maison."

Les conditions à l'intérieur du fort étaient très difficiles. Le froid extrême, la fumée, les insectes et la violence, qu'on nommait discipline, étaient des réalités quotidiennes. Malgré l'inconfort, les hommes étaient prêts à renouveler leurs contrats pour demeurer au service de la Compagnie, car la vie au poste de la baie d'Hudson offrait une chance d'avancement, un endroit où vivre et être nourri décemment, et un salaire fiable, ce qui était de beaucoup préférable à l'avenir incertain et aux difficultés que comportait un retour en Europe.

Une image en noir et blanc montre des pierres au premier plan. À droite, il y a un mur de briques dont le bord est dentelé, et au centre, une autre section du mur de briques, plus loin de l’observateur.
Fort-Prince-de-Galles dans les années 1930.

Dans les années 1920, la Commission des lieux et monuments historiques du Canada a reconnu le fort comme étant d'importance nationale. La Direction des parcs du ministère de l'Intérieur (maintenant Parcs Canada) assuma la responsabilité de sa conservation et quand, à l'achèvement du chemin de fer à Churchill dans les années 1930, on disposa d'une main-d'oeuvre nombreuse et d'équipement lourd, les hommes entreprirent la reconstruction du fort. Le fort se dresse encore aujourd'hui pour commémorer l'histoire de la rivalité franco-anglaise pour le contrôle de la baie d'Hudson et ses ressources.

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