Introduction

Nous sommes en 1585. Sept bateaux déversent en Île Roanoke, au large de la côte des Carolines, d'audacieux Anglais qui y fondent une colonie. Quand le navire de ravitaillement revient, il ne reste aucune trace des colons. Depuis, d'innombrables livres, articles et programmes de télévision américains ont hasardé des hypothèses sur le sort de ce premier établissement anglais en Amérique du Nord. L'histoire de la « colonie perdue » est effectivement une énigme fascinante.

Malheureusement, aussi juteuse que soit la théorie de l'évanouissement des colons, elle est erronée.

On peut supposer que le temps finira par révéler que les colons se sont en fait joints aux Autochtones censés occuper le continent nord-américain depuis 11 500 ans (encore que d'après le Time, il y aurait à la sortie de Pittsburgh un site qui daterait de plus de 12 000 ans et pourrait bien être " le plus ancien site archéologique de l'Amérique du Nord1 ").

Malheureusement, c'est également faux.

C'est en 1578, et non en 1585, que les Anglais ont essayé pour la première fois de fonder une colonie en Amérique du Nord, et qui plus est, non pas au large de la Caroline du Nord, mais au Nunavut, près de l'actuel Iqaluit. Si les projets d'extraction minière de Martin Frobisher ont tourné court, les fondations de sa maison sont encore bien visibles. Pourtant, cette maison de 1578 n'est pas la plus ancienne habitation du Canada, loin s'en faut : la plus ancienne demeure connue au Canada est une caverne du Yukon occupée non pas il y a 12 000 ans comme les sites des États-Unis, mais il y a au moins 20 000 ans2. Comment le sait-on? Parce que le Canada possède des archéologues chevronnés qui ont assemblé en partie les pièces du grand casse-tête que constitue l'histoire de l'Amérique du Nord. Leurs laborieux efforts contribuent à contrer quelque peu les effets de l'amnésie collective dont nous souffrons.

L'archéologie est l'étude des témoignages matériels qui s'accumulent au Canada depuis l'arrivée des premiers humains jusqu'aux époques historiques plus récentes. Les archéologues étudient aussi les endroits dont on pense qu'ils ont été occupés jadis et qui subissent actuellement des changements. Si les objets utilisés par les humains au fil des âges sont utiles pour comprendre les us et coutumes d'autrefois, d'autres objets plus éphémères peuvent également être révélateurs. Les archéologues prennent note du milieu naturel, des vestiges architecturaux et des réseaux de communication. En mettant bout à bout ces données, ils parviennent à préciser certains aspects de la vie des personnes en cause.

Au cours des 20 premiers millénaires d'occupation humaine au Canada, aucun écrit n'est venu documenter la vie et les événements. Même après l'avènement de l'écriture, les documents décrivaient en général assez succinctement l'existence de nos ancêtres. Parfois, la tradition orale préservait le souvenir des grands événements; toutefois, les souvenirs s'estompent souvent, surtout pour ce qui est des détails de la vie quotidienne. N'empêche que le Canada possède toujours des outils, et des outils puissants, pour jeter la lumière sur ses origines. Ses ressources archéologiques constituent ses archives d'un passé tant préhistorique qu'historique. Une ressource archéologique peut aussi bien avoir la taille d'une agglomération entière que celle d'un petit objet. Elle peut se trouver dans le sol ou dans l'eau. Le présent rapport porte sur un volet du tableau archéologique, soit celui des ressources archéologiques terrestres (et non sur les épaves, qui font l'objet de lois distinctes3).

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