Annexe C

Document de mise en candidature de la voie navigable Rideau à titre de rivière du patrimoine canadien, Résumé des valeurs

2.1.1 Valeurs du patrimoine humain

Le canal Rideau constitue l’élément principal de la voie navigable Rideau; il a été construit pour assurer une voie de transport militaire sûre, reliant, outre Ottawa et Kingston, Montréal et les points plus à l’est et donnant accès à l’Ouest, via les Grands Lacs. Le canal Rideau s’inscrivait dans une grande stratégie de défense de l’Amérique du Nord britannique contre les menaces d’expansion de la part des États-Unis d’Amérique après la guerre de 1812. Le projet a été entièrement financé par le Trésor britannique et le canal a été construit sous la supervision du lieutenant-colonel John By, des ingénieurs royaux. Le réseau a été ouvert à la navigation moins de six ans après le début de la construction. À ce moment-là, le canal Rideau était considéré comme un ouvrage de génie remarquable. Le barrage-voûte de Jones Falls, par exemple, était le plus grand barrage de cette nature au monde lorsqu’il fut construit à la fin des années 1820. Les ouvrages de génie considérables du canal Rideau étaient presque entièrement construits de maçonnerie, contrairement à la plupart des canaux nord-américains de cette période. Ce fut le premier canal au monde dont les écluses étaient assez grandes pour recevoir des bateaux à vapeur, grâce à la sagesse de John By qui avait prévu l’utilisation civile de la voie navigable après la fin des hostilités militaires. Avec 47 écluses situées à 24 postes d’éclusage et de nombreux barrages, déversoirs, digues et chenaux, les constructeurs du canal ont contrôlé et refaçonné les lacs et les rivières de la région en une voie de navigation de 202 kilomètres à partir de la rivière des Outaouais, à Ottawa, jusqu’au lac Ontario, à Kingston. Au total, 18 de ces kilomètres ont été aménagés dans des chenaux artificiels tandis que le reste empruntait des bassins hydrographiques naturels des rivières Cataraqui et Rideau. Tout cela a été fait dans une région éloignée et sauvage de sorte qu’il a fallu surmonter une foule de difficultés sur le plan technique, logistique et humain. 

À l’époque où l’on a commencé à construire le canal Rideau, Kingston avait une population d’environ 1000 âmes, principalement des Loyalistes venus des États-Unis. Avec la construction, Kingston est devenue un important lieu stratégique, car elle contrôlait l’extrémité sud du canal où fournitures militaires, troupes et intendance devaient être transbordées sur des vaisseaux lacustres à destination des frontières du Haut-Canada. En 1836, la redoute du fort Henry a été construite sur les hauteurs de la pointe Henry où la construction de la batterie côtière et le dépôt de fournitures a été achevée en 1841. Ce ne fut pas avant 1846-1848 que les autres ouvrages de défense furent ajoutés - les tours Murney et Shoal, la batterie du marché, la cour du fort Frederick et la tour de l’île Cedar. Aujourd’hui, le complexe restauré du fort Henry et les fortifications érigées en 1846-1848, ainsi que plusieurs bâtiments publics, dont le palais de justice du comté, contribuent à la richesse du patrimoine bâti de Kingston. 

La ville de Perth était au début un dépôt de l’établissement militaire Rideau en 1816 et elle est devenue le centre administratif du district en 1823. Bon nombre des bâtisseurs du canal Rideau se sont établis dans la région après la construction et ont édifié de beaux bâtiments géorgiens selon les styles qui avaient cours au Haut-Canada à ce moment-là. Le style de Perth a d’abord été influencé par les Écossais, arrivés au même moment que les colons militaires, dans le cadre d’un régime assisté d’immigration. Cependant, dès 1842, les Irlandais représentaient le groupe ethnique dominant dans cette ville. La puissante communauté agricole, installée dans la plaine d’argile de Perth, a contribué à soutenir l’économie locale, à mesure que la limite forestière reculait plus profondément dans la vallée de l’Outaouais. Aujourd’hui, Perth est reconnue comme l’un des joyaux du Canada sur le plan architectural.

De 1832 à 1846, le canal Rideau représentait la principale route de transport entre le Haut et le Bas-Canada. Avec la disparition des tarifs protecteurs britanniques et la construction des écluses sur le haut Saint-Laurent en 1847, le canal Rideau vit son importance diminuer et il ne fut plus qu’une voie navigable régionale. L’arrivée des chemins de fer, au cours de la décennie qui suivit, contribua à miner davantage l’importance du canal. L’intendance britannique était toujours propriétaire du canal et en poursuivit l’exploitation jusqu’en 1856; le réseau fut alors cédé au gouvernement colonial du Canada. Désormais, le canal ne relèverait plus de l’administration militaire.

La compagnie de navigation Tay a été constituée en société en 1831 et les travaux de construction ont commencé sur le canal Tay en juin de la même année. Deux écluses ont été construites à Port Elmsley en 1831, mais le manque de fonds, la malaria et les pluies abondantes ont retardé l’achèvement du canal jusqu’en 1832. Le canal, une fois terminé, s’étendait sur seize kilomètres et comportait cinq écluses distinctes, six barrages, deux ponts tournants et un bassin tournant à Perth. 

Même si le canal Rideau n’a heureusement jamais été mis à l’épreuve pendant la guerre, il a joué un rôle important dans la vie commerciale de l’Est de l’Ontario tout au cours du XIXe siècle et bien avant dans le XXe siècle. Il a facilité l’extraction et l’exportation des ressources, le développement de l’agriculture et l’établissement des centres industriels le long du corridor, en plus d’avoir joué un rôle important dans la croissance de la ville d’Ottawa, capitale du pays. Au tournant du siècle, les activités de loisir le long du canal ont commencé à prendre une importance économique considérable. Dans les années 1950, toute la circulation commerciale avait disparu et le canal Rideau était devenu une voie navigable récréative, ainsi qu’un attrait pour les sportifs et les vacanciers de tout l’Est de l’Amérique du Nord.

Il existe encore plusieurs ouvrages intéressants des premiers jours. La plupart des ouvrages originaux de génie sont non seulement demeurés en place, mais ils sont toujours opérationnels, en plus de la moitié des bâtiments militaires qui ont survécu. Presque tous les postes d’éclusage ont gardé leur aspect et leur configuration du début et beaucoup conservent leur caractère du milieu du XIXe siècle, grâce, en partie, à Parcs Canada qui administre le canal afin d’assurer la protection des valeurs patrimoniales qui rendent le canal si particulier. Même si les ouvrages sont les principales ressources historiques du canal, la voie navigable Rideau est davantage que la somme de ses travaux de génie (écluses, barrages et ponts), de ses portes d’éclusage et de ses bâtiments en maçonnerie. La construction du canal et son ouverture à la navigation ont eu des répercussions considérables sur l’histoire naturelle et humaine du corridor. La voie navigable Rideau est un corridor historique de transport qui relie plusieurs éléments naturels et culturels le long de cette voie d’eau et, ce faisant, elle associe, en quelque sorte, le passé au présent. Dans l’énoncé d’intégrité commémorative du lieu historique national du Canal-Rideau de Parcs Canada, la voie navigable est décrite comme un paysage culturel en raison de la complexité et de l’étendue des éléments du réseau du canal Rideau.

Le canal Rideau a été reconnu comme lieu historique national en plusieurs occasions. La Commission des lieux et monuments historiques a d’abord noté l’importance nationale de la Rideau en 1925. Cela été confirmé de nouveau en 1926, puis en 1939 lorsque la Commission a approuvé le libellé d’une plaque commémorative de l’importance historique nationale de la Rideau. Puis, en 1967, le Commission a recommandé que le canal Rideau soit déclaré lieu historique national.

Au cours des délibérations sur la voie navigable Trent-Severn, en novembre 1987, la Commission a commenté dans une note comparative que le canal Rideau « est un canal exceptionnel au Canada dans la mesure où de nombreuses structures d’origine ont survécu et où la plupart des postes d’éclusage ont conservé leur intégrité... ».

Pour tout cela, nous avons aujourd’hui une voie navigable d’une importance historique énorme pour le Canada. Le canal a maintenant 166 années, ce qui en fait le plus vieux canal du XIXe siècle encore en exploitation en Amérique du Nord. C’est un chef d’œuvre de génie de son époque et un monument à la longue et éminente histoire du génie canadien. Le canal Rideau est à l’origine de Bytown, la petite ville qui fut par la suite appelée Ottawa et fut choisie comme capitale du nouveau pays, le Canada. C’est un exemple des premiers efforts visant à utiliser nos rivières de multiples façons, à régulariser les cours d’eau, à contrôler les plaines inondables et à gérer le bassin hydrographique. Le planification hydrologique sur une grande échelle, l’ingéniosité des ouvrages de génie et l’étendue de la logistique qui a fourni hommes et matériaux dans les étendues sauvages éloignées sont autant de preuves que la voie navigable Rideau représente un triomphe de l’ingéniosité et de la persévérance des humains. Il s’agissait du premier mégaprojet de transport du Canada.

2.1.2 Valeurs du patrimoine humain - critères d’intégrité 

L’énoncé d’intégrité commémorative du lieu historique national du Canal-Rideau de Parcs Canada démontre toutes les valeurs patrimoniales du lieu. Conformément aux délibérations de la Commission des lieux et monuments historiques du Canada, les raisons de l’importance historique nationale du canal Rideau sont les suivantes :

  • la construction du canal;
  • la survie de plusieurs des ouvrages originaux sur le canal, dont les écluses, les blockhaus, les barrages, les déversoirs et les maisons originales des maîtres éclusiers et l’intégrité de la plupart des postes d’éclusage;
  • le milieu historique unique du canal.

L’énoncé d’intégrité commémorative parle du canal comme un milieu historique unique qui va bien au-delà des écluses et des barrages pour y incorporer les milieux humides, les endroits de villégiature, les rives intactes, les fermes, les petites villes et les paysages des villages. Tout compte fait, cette voie navigable présente un paysage culturel qui est tout à la fois historique, pittoresque, naturel et d’origine humaine.

Outre les valeurs nationales importantes énoncées ci-dessus, la voie navigable Rideau a été connue pour ses nombreux sites naturels, pour ses meuneries où l’on broie le grain et ses scieries où l’on travaille le bois. Dans la dernière moitié du XIXe siècle, il y a eu des fabriques de textile à Burritt’s Rapids, à Merrickville, à New Edinburgh (Ottawa), à Perth et à Smiths Falls. On a ouvert des usines de poêles à bois et d’instruments aratoires à Merrickville et à Smiths Falls; on a établi des fromageries dans les comité de Carleton, de Frontenac, de Leeds et Grenville et de Lanark. Les usines de lainage ne sont plus que des rappels fantomatiques d’un passé industriel, mais une fromagerie a survécu à Forfar.

2.1.3 Valeurs récréatives

Les terres et les eaux de la voie navigable Rideau soutiennent une impressionnante gamme d’activités de loisir pour des centaines de milliers de visiteurs et de résidants chaque année. Les activités de loisir sont surtout centrées autour de la ville historique de Kingston, de la région traditionnelle de villégiature des lacs Rideau et de la région de la capitale nationale, Ottawa, avec ses événements et ses installations aquatiques dynamiques, de renommée internationale.

La voie navigable Rideau est une destination récréative de premier ordre pour une grande partie de l’Est de l’Amérique du Nord. La natation, les sports nautiques, la pêche et la chasse sur la voie navigable ou tout près sont des activités renommées et elles le sont depuis plus de 160 ans; il n’a pas fallu longtemps après la construction du canal pour que navigateurs civils, sportifs et aventuriers empruntent le canal du Colonel By pour atteindre lacs et rivières de l’intérieur auparavant inaccessibles. Aujourd’hui, plusieurs parcs provinciaux et municipaux, des ports de plaisance, de nombreuses belles plages, des camps, des endroits de villégiature et des chemins pittoresques s’offrent aux visiteurs le long de la voie navigable. Le canal Rideau est également très fréquenté par des groupes d’étudiants et de campeurs qui les parcourent en partie ou en totalité en canot.

La navigation de plaisance est la principale activité récréative et elle attire des gens de très loin qui viennent voguer dans les eaux fortifiantes de la Rideau en canot, en hors-bord et en bateau à voile. En 1997, plus de 76 000 vaisseaux de toutes sortes ont passé par les écluses durant la saison de navigation qui est relativement courte, soit cinq mois. La navigation sur la Rideau n’est pas quelque chose de nouveau. En fait, l’emploi d’embarcations sur la rivière Rideau remonte à environ 6000 ans avant Jésus-Christ, d’après les recherches.

Un outil de pierre de la période archaïque trouvé en 1979 près de Rideau Ferry porte le dessin primitif d’un canot transportant six pagayeurs. Il s’agit d’une des premières représentations d’embarcation en Ontario, ce qui montre que la voie navigable Rideau possède une histoire particulièrement longue de voyage par la voie des eaux.

Les civils ont envahi la voie navigable vers la fin des années 1800, des milliers de personnes se rendant sur les lacs chaque été pour leurs vacances, dont plusieurs en bateau à vapeur. D’abord dans des hôtels de luxe, comme le Kenny à Jones Falls et l’Opinicon aux écluses de Chaffeys, et plus tard dans des villas et des résidences privées construites dans le décor serein des rochers gris du bouclier précambrien. La réputation de la voie navigable Rideau ne cessait de grandir, car elle offrait une expérience « civilisée » de la nature sauvage. Aujourd’hui, les lacs Rideau représentent l’un des meilleurs endroits de villégiature et de divertissement estival qui soit dans l’Est de l’Amérique du Nord.

Mooney’s Bay, à Ottawa, offre des installations de calibre international pour l’aviron et le kayak. Sous l’égide du Rideau Canoe Club, des jeux, des festivals et des cours de formation se déroulent sur les eaux du canal à partir du moment où la glace a fondu au printemps jusqu’à la fin d’octobre. Plusieurs des athlètes olympiques du Canada et des champions mondiaux s’entraînent ici régulièrement. L’Association canadienne de canotage récréatif a choisi en 1995 d’installer son siège social à Merrickville. Au mois de juin 1998, Postes Canada a émis un timbre en l’honneur de Bill Mason, l’un des plus illustres fanatiques du canot du Canada. Le premier timbre-poste émis a été oblitéré à Merrickville au siège social de l’ACCR. À l’extrémité sud du réseau, Kingston a accueilli les épreuves de voile des olympiques d’été ainsi que d’autres épreuves internationales de voile.

Il y a 43 ports de plaisance sur la voie navigable qui desservent des milliers de résidants et des plaisanciers. Chaque année, des bateaux antiques et classiques prennent part à des régates et à des expositions sur la voie navigable. Divers festivals comme le Festival des tulipes, le Festival de jazz d’Ottawa, le Festival Canada et le Festival franco-ontarien sont organisés, à Ottawa, tous les ans. Ottawa accueille également le Bal de neige, l’un des premiers festivals d’hiver du pays axé sur le patinage sur le canal Rideau. Pendant dix à douze semaines, au milieu de l’hiver, le canal devient la plus longue patinoire au monde, elle s’étend sur plus de huit kilomètres, à partir du Centre national des arts jusqu’aux écluses de Hartwells situées en face de l’Université Carleton.

Le corridor de la voie navigable Rideau possède certains des meilleurs sentiers de randonnée et de ski de fond de l’Est de l’Ontario, dont l’exceptionnel sentier Rideau, long de 300 kilomètres, qui relie Kingston à Ottawa. Le sentier Rideau offre une panoplie de nouveaux endroits où s’adonner à l’observation des oiseaux, à l’appréciation de la nature, à l’enseignement de la conservation et au conditionnement physique.

La voie navigable Rideau occupe une place tout à fait privilégiée dans la grande famille canadienne des canaux historiques nationaux. En 1998, la Société canadienne des postes a émis une série de timbres-poste illustrant plusieurs de ces routes historiques, dont deux timbres à l’effigie du canal Rideau. La voie navigable Rideau représente, sur une plus grande échelle, une partie du réseau des canaux internationaux. Bien des gens viennent de très loin, utilisant les voies d’eau navigables et communicantes, pour voir certains des meilleurs réseaux fluviaux au monde et en profiter.

2.1.4 Valeurs récréatives - critères d’intégrité

L’objet de cette section est de décrire comment la voie navigable Rideau respecte les critères d’intégrité des valeurs récréatives.

En plus de respecter les deux critères ci-dessus, pour qu’une rivière soit jugée posséder une valeur récréative remarquable, la qualité de ses eaux doit être suffisante pour permettre le déroulement des activités récréatives.

En plus de respecter les critères des valeurs récréatives exigés pour faire partie du Réseau des rivières du patrimoine canadien, la voie navigable Rideau possède des eaux d’une qualité appropriée à la pratique des diverses activités récréatives sur toute sa longueur, qu’il s’agisse d’activités comme la natation et la navigation de plaisance ou d’activités connexes comme la chasse, la pêche et l’appréciation de la nature. En fait, la natation se pratique d’un bout à l’autre de la rivière, y compris à Mooney’s Bay, à Ottawa. Les efforts déployés par de nombreux organismes provinciaux, régionaux et locaux permettent de maintenir la qualité de l’eau à ce niveau. Les projets d’éducation du public en cours sont une preuve de plus de l’engagement à améliorer la qualité de la ressource pour les générations futures.

2.1.5 Valeurs du patrimoine naturel

L’objet de cette section est de décrire les caractéristiques exceptionnelles de la voie navigable et de son environnement immédiat sur le plan du patrimoine naturel.

La voie navigable Rideau n’est pas désignée en fonction de ses valeurs du patrimoine naturel à cause des retenues qu’on y trouve. Cependant, il existe le long de cette voie plusieurs ressources naturelles importantes qui permettent de rehausser tant les valeurs du patrimoine humain que les valeurs récréatives. À titre d’exemple, mentionnons les zones d’intérêt naturel et scientifique, les importants milieux humides qui constituent autant d’habitats fauniques, une flore rare qui figure sur les listes du Comité sur le statut des espèces menacées de disparition au Canada (CSEMDC) et dans l’Atlas of the Rare Vascular Plants of Ontario (ARVPO), ainsi qu’une faune rare qui a fait l’objet d’évaluation de la part du CSEMDC, du Committee on the Status of Species at Risk in Ontario (COSSARO) et du ministère des Richesses naturelles de l’Ontario (MRNO).


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