Pour la semaine du 18 mars 2024.
Le 18 mars 2015, le transbordement des grains à la Tête-des-Grands-Lacs est désigné événement historique national par le gouvernement du Canada. Des années 1880 aux années 1980, la quasi-totalité du grain des Prairies canadiennes transite par un grand port intérieur situé sur la rive nord-ouest du lac Supérieur. Le grain arrive à la Tête-des-Grands-Lacs par train et repart par bateau navigant sur les Grands Lacs et le fleuve Saint-Laurent en direction de Montréal, au Québec, d’où il est ensuite acheminé vers le marché mondial.
Le tronçon du Chemin de fer Canadien Pacifique qui relie Winnipeg à Port Arthur (aujourd’hui Thunder Bay) est inauguré en 1882. Le grain commence à arriver par train à Port Arthur en 1883. L’année suivante, le Chemin de fer Canadien Pacifique entame la construction du premier des nombreux silos terminaux destinés à l’entreposage du grain. Le silo King (baptisé ainsi en l’honneur de son constructeur, John King) contient environ 350 000 boisseaux de grain.
De 1896 à 1914, l’économie fondée sur le blé des Prairies connaît une croissance phénoménale. Au moment même où l’agriculture des colons se développe, ce qui se traduit par une augmentation de la production, la demande européenne de grains canadiens monte en flèche. Les exportations canadiennes passent de 10 millions de boisseaux de blé en 1901 à 157 millions en 1916. En 1923, le Canada est désormais le plus grand exportateur de grain au monde.
La Convention du Nid-de-Corbeau de 1897 garantit que la quasi-totalité du grain transitera par la Tête-des-Grands-Lacs. Le tarif-marchandise fixé dans le cadre de cette convention (appelé tarif du Nid-de-Corbeau) diminue la rentabilité des expéditions de grain vers l’Ouest. Les compagnies ferroviaires doivent désormais avoir accès à Thunder Bay pour gérer les coûts. Le Chemin de fer Canadien Pacifique détient le monopole de l’expédition du grain à la Tête-des-Grands-Lacs jusqu’à l’arrivée du Chemin de fer Canadien du Nord en 1902 et du Grand Trunk Pacific Railway en 1909.
L’expansion de l’industrie ferroviaire et du commerce du grain a d’importantes répercussions sur la Première Nation de Fort William. En 1905, le gouvernement fédéral acquiert par expropriation quelque 1 600 acres (environ 648 hectares) de terres de réserve. Le Grand Trunk Pacific Railway veut y installer un terminal céréalier, mais il n’en achèvera jamais la construction. Les membres de la Première Nation de Fort William n’ont d’autre choix que de déplacer leurs maisons, leur école, leur église et leur cimetière. Il s’agit là d’une expérience traumatisante qui entraîne la réinstallation de la communauté en deux endroits différents.
Au cours des années qui suivent, la quantité de grains qui transite par la Tête-des-Grands-Lacs augmente de façon spectaculaire. En 1910, on compte 14 silos d’une capacité totale de 22 millions de boisseaux. En 1929, ce chiffre passe à 32 silos pouvant contenir 88,5 millions de boisseaux. Dans les années 1970, la Tête-des-Grands-Lacs atteint une capacité maximale de 104,3 millions de boisseaux de céréales.
Le commerce du grain à la Tête-des-Grands-Lacs connaît un déclin dans les années qui suivent. Les subventions fédérales pour le transport ferroviaire du grain prennent fin en 1983. Il est désormais moins coûteux de transporter le grain des Prairies vers la côte Ouest puisque la distance à couvrir est plus courte. Les ports qu’on y trouve exportent de plus en plus vers les marchés en pleine croissance de la Chine, du Japon et d’autres pays de la côte du Pacifique. En conséquence, Thunder Bay connaît une baisse importante des échanges commerciaux. De nos jours, il ne reste plus que sept silos terminaux encore en exploitation à la Tête-des-Grands-Lacs.