Pourquoi y a-t-il tant de scolytes en ce moment?

graphique de programme sur le dendroctone du pin

Le dendroctone du pin ponderosa fait partie de l’écosystème du Sud des Rocheuses. Jusqu’à présent, les populations ne s’y trouvaient qu’à des niveaux endémiques. Cela signifie que la taille de leur population est contrôlée par des facteurs naturels tels que le climat, les prédateurs et les incendies. Des décennies de suppression des incendies et la tendance au réchauffement du climat ont néanmoins contribué à perturber cet équilibre et à faire passer les populations de scolytes d’un niveau endémique à un niveau épidémique.

Dr. Allan Carroll

Dr Allan Carroll du Service canadien des forêts, explique pourquoi :

Traduction française d'une interview avec un scientifique du Service canadien des forêts

« Les forêts de pins en général, et en particulier les forêts de pin de Murray, ont été modelées par les incendies. Ces forêts brûlent et repoussent relativement fréquemment. Les pins de Murray sont ainsi brûlés à peu près tous les cent ans. Ce processus régulateur est très efficace. Il assure la variabilité de la forêt, c’est-à-dire que des portions de la forêt sont ainsi régulièrement renouvelées et qu’il n’y a pas d’accumulation de vieux pins. C’est là qu’entre en jeu le Dendroctone du pin. En effet, en supprimant aussi efficacement que nous l’avons fait les incendies, nous avons éliminé ce processus régulateur et permis aux forêts de croître et de devenir très vieilles sur de grandes surfaces. Ces zones deviennent des garde-manger de choix pour les dendroctones qui préfèrent les vieux arbres. En éliminant les incendies, nous avons donc contribué à l’accumulation de nourriture pour les dendroctones du pin et c’est pourquoi nous observons tant de ces scolytes à l’heure actuelle ».

Deux photos du mont Norquay dans le parc national Banff. Une photo a été prise en 1902, l’autre en 1984. Sur la photo de 1984, la végétation st beaucoup plus étendue sur les pentes du mont Norquay à cause de la suppression des incendies. Mont Norquay en 1902, dans le parc national Banff
© Detroit Photo (1902)
Deux photos du mont Norquay dans le parc national Banff. Une photo a été prise en 1902, l’autre en 1984. Sur la photo de 1984, la végétation st beaucoup plus étendue sur les pentes du mont Norquay à cause de la suppression des incendies. Pentes du mont Norquay avec extension importante de la végétation résultant de la suppression des incendies.
© Cliff White (1984)
Incendies dans le parc national Kootenay Incendies dans le parc national Kootenay
© Parcs Canada / Brad White

Le rôle des incendies

Les scolytes préfèrent les gros pins matures. À cause, en partie, de la suppression des incendies, des zones étendues couvertes de pins matures dominent maintenant le paysage. Lorsqu’on les laisse brûler, les incendies ont tendance à créer des mosaïques de portions boisées très variées au niveau des essences, de l’âge des arbres et de la densité de ces derniers. Le paysage dans son ensemble est donc plus sain et moins susceptible d’être ravagé par une flambée à grande échelle de scolytes.

Les incendies créent une mosaïque de portions de forêt brûlées et non brûlées dans la vallée Panther, parc national Banff. Les incendies créent une mosaïque de portions de forêt brûlées et non brûlées dans la vallée Panther, parc national Banff.
© Parcs Canada / Ian Pengelly

Pourquoi les scolytes préfèrent-ils les gros pins matures?

Les dendroctones du pin préfèrent les gros pins matures parce que :

  • Ils sont en général plus gros et plus faciles à localiser par les scolytes.
  • Plus l’arbre est gros, plus il peut accueillir de scolytes et plus il y a de place pour le développement des larves.
  • Les vieux pins sont moins résistants à la colonisation par les dendroctones du pin.
  • L’écorce des gros arbres est plus épaisse et offre aux scolytes une meilleure protection contres les intempéries et les prédateurs.
  • Le phloème (le tissu de l’arbre dont se nourrissent les scolytes) des gros arbres est plus épais et offre donc une nourriture plus abondante.

Les dendroctones du pin aiment également la chaleur! Pour cette raison, Parcs Canada a développé un modèle qui indique les secteurs le plus touchés par par la chaleur du soleil. Dans ces secteurs, le dendroctone du pin a les meilleures chances de survivre. Ce modèle aide Parcs Canada à gérer plus efficacement le dendroctone.

Le modèle prévoit quelles sont les zones qui recevront une haute insolation (rayonnement solaire). Du fait de la physiologie des dendroctones du pin (lien vers la section sur le cycle de vie de l'insecte), ces zones sont également celles où les scolytes auront le plus de chance de survivre. Le modèle d'insolation vient compléter les relevés sur le terrain et augmente l'efficacité de la gestion lorsqu'il est utilisé conjointement à d'autres modèles. Carte basée sur le modèle, indiquant les zones rouges où les prochaines flambées du dendroctone auront probablement lieu.
© Parcs Canada

 

Leçons apprises à Waterton

En 1979, la moitié du parc national des Lacs-Waterton était boisée de gros pins matures. Entre 1979 et 1982, la moitié de ces pins ont été tués par les dendroctones du pin, leur présence ayant favorisé l’émergence d’une flambée de scolytes.

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Vue sur les pentes du mont Bertha au-dessus du village de Waterton. Il s’agit de forêts constituées de vieux pins de Murray (dernière perturbation par le feu en 1855) qui étaient très vulnérables à une attaque par les scolytes. Elles sont aujourd’hui sévèrement touchées, en particulier sur le bas des pentes. Les versants du mont Bertha durant la flambée de dendroctones du pin ponderosa en 1980.
© Parcs Canada / Rob Watt
 L’effet le plus perceptible a été ici l’accroissement de la diversité de la forêt. La croissance rapide des peupliers faux-trembles est évidente sur les photographies les plus récentes, comme le sont certaines zones couvertes de pins morts encore debout et quelques chablis. Diversification des forêts sur les versants du mont Bertha en 2003 après la flambée de dendroctones du pin ponderosa.
© Parcs Canada / Rob Watt

Comment les changements climatiques affectent-ils les populations de scolytes?

Les hivers froids sont, avec les incendies, un facteur limitant de la propagation des scolytes. Le réchauffement du climat et les hivers plus doux ont permis à un nombre plus élevé de dendroctones du pin de survivre à la période hivernale et de coloniser de nouveaux arbres au printemps. Des études ont montré que la tendance au réchauffement qui s’est opérée sur les dernières décennies a permis aux scolytes de pénétrer dans des zones élevées et septentrionales qui étaient autrefois trop froides pour que les insectes puissent y survivre. C’est le cas dans le parc national Jasper.


Dr. Allan Carroll

Dr Allan Carroll, du Service canadien des forêts, parle des changements climatiques et des dendroctones du pin :

Traduction française d'une interview avec un scientifique du Service canadien des forêts

« Jusqu’à maintenant, les populations de dendroctones du pin se sont essentiellement cantonnées dans la moitié sud de la Colombie-Britannique. Deux caractéristiques du climat ont joué un rôle dans cette restriction géographique, la principale étant le froid, qui limite la distribution de l’insecte vers le Nord, l’autre, plus complexe, est liée aux périodes de froid durant l’été. Lorsque les températures sont trop fraîches durant l’été, le dendroctone ne peut en effet terminer son développement en une seule année et il doit alors affronter un deuxième hiver à une étape de son cycle qui ne l’y prépare pas. Il en résulte une mortalité importante au sein des populations de scolytes. Les changements climatiques devraient entraîner une diminution des épisodes de froid en hiver et en été, avec une augmentation des températures moyennes. On devrait donc assister à une colonisation par le scolyte de régions où il était auparavant absent. ».

Les scolytes effectuent-ils des migrations?

Les populations locales de dendroctones du pin peuvent s’accroître lorsque des flambées voisines sont suivies d’une migration de certains individus vers les régions environnantes. Des études ont montré que les scolytes peuvent voler sur plusieurs kilomètres au printemps pour aller chercher de nouveaux arbres. Si le vent les aide, ces insectes peuvent franchir plus d’une centaine de kilomètres!

Quand une flambée prend-elle fin?

Une « flambée » est le processus par lequel une population d’insectes passe du niveau endémique au niveau épidémique.

Les populations de scolytes, comme toutes les populations naturelles, fluctuent facilement. Les effectifs augmentent lorsque les conditions sont propices, notamment au niveau de la nourriture et de l’habitat. Les flambées persistent habituellement jusqu’à ce que les conditions deviennent défavorables. Les conditions défavorables incluent notamment :

  • Un manque de nourriture et d’habitat (par exemple, les scolytes peuvent venir à bout de tous les gros arbres matures dans une zone donnée ou ces arbres peuvent être éliminés par un processus naturel tel que les incendies)
  • Des températures basses qui font que les jeunes ne peuvent survivre à l’hiver
  • La prédation par les pics et les autres prédateurs
  • La compétition pour la nourriture et l’habitat avec les autres coléoptères

Dr Les Safranyik

Dr Les Safranyik du Service canadien des forêts parle de ce qui provoque la fin des flambées de scolytes :

Traduction française d'une interview avec un scientifique du Service canadien des forêts

« L’arrêt d’une flambée résulte généralement de la combinaison de deux facteurs, l’un étant l’occurrence de températures très basses, en particulier en Colombie-Britannique et notamment dans les parcs des montagnes, l’autre étant l’élimination des sources de nourriture préférées, c’est-à-dire des arbres les plus gros au sein des peuplements. Vers la fin d’une flambée, d’autres facteurs peuvent influencer négativement les populations tels que l’arrivée d’une autre espèce de scolytes qui vont se poser en compétiteurs sous l’écorce, pour la nourriture et l’espace, en engendrant une hausse de la mortalité qui contribuent au déclin de la flambée. »

Renseignez-vous sur la dispersion et la colonisation par cet insecte sur la page Web du Service canadien des forêts.

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